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Permaculture dans l’Eure: bel et bon Bec-Hellouin

Ce sont eux qui le vivent. Une corne d’abondance de fruits et légumes bios, produits sans machines, sur une très petite surface, avec des débouchés de circuits courts. La « permaculture » et le « maraîchage biointensif » ont le vent en poupe et ont trouvé leur prophète en France : la ferme du Bec-Hellouin dans l’Eure, dont les formations affichent complet. (Paris Normandie 03/12/16)


Permaculture dans l’Eure: bel et bon Bec-Hellouin

Éteindre son portable et enlever ses chaussures. Dans la salle de réunion moderne mais chaleureuse, une cinquantaine d’apprentis paysans sont réunis le mois dernier pour cette journée « Introduction à la micro-agriculture permaculturelle ». Emploi des prénoms et tutoiement obligatoire pour ces étudiants d’un jour venus de Paris, de Belgique ou même du Canada, pour se former à la permaculture, cette forme d’agriculture « bio-inspirée » enseignée au Bec-Hellouin.

Une ferme luxuriante de la vallée euroise du Bec un peu particulière, sans machines ni boue, où chaque goutte d’eau va au sol, que pas un rayon de soleil n’atteint. Une structure née il y a une dizaine d’années et qui fonctionne désormais bien, a tel point qu’elle salarie désormais douze permanents.

« Combien de centimètres entre chaque légume ? » Ce n’est pas ici que vous trouverez la réponse. « Bien au-delà d’une simple méthode ou ensemble de techniques, la permaculture, c’est d’abord une démarche globale, un système bouclé où tout interagit, où le tout est supérieur à la somme des parties » commencent les propriétaires des lieux, Perrine et Charles Hervé-Gruyer. Et où l’humilité a une place primordiale. « Il n’y a pas de miracle ou de poule aux œufs d’or. On est des chercheurs, qui veulent apporter notre goutte d’eau, comme le colibri... Bref, on bidouille, un râteau dans une main, un ordinateur dans l’autre », affirment ainsi les modestes.

Mais ne dites pas aux fondateurs qu’ils font du neuf avec de l’ancien : « Ce n’est pas un retour à la ferme de grand-papa ! L’agriculture productiviste transforme le pétrole en nourriture. Nous, on travaille avec le soleil, le moteur de la vie, et la nature, qui possède une expertise de 3,8 milliards d’années, afin de créer un paysage comestible. Il faut donc comprendre comment fonctionne la vie en se servant tant des connaissances ancestrales que des avancées scientifiques. »

Des mégalopoles à l’Eure, le parcours du couple est singulier. Lui, éducateur amoureux de la nature un peu artiste qui a parcouru les mers du globe. Elle, juriste internationale qui mettait au début, horreur, « des gants pour toucher la terre », quand « le plus bel outil, c’est la main ». Au départ, une volonté de se poser et de « manger sain ». Aujourd’hui, « toute la famille est mise à contribution » pour remplir les toilettes sèches. À l’époque, les désormais paysans-formateurs n’étaient jamais rentrés dans une ferme ! « Plus inexpérimenté, tu meurs ! » À peine installés, et plus préoccupés « par la beauté des fermes d’avant remembrement » que par les rendements, ils morcellent, creusent une vingtaine de mares, plantent 500 variétés d’arbres fruitiers et créent ainsi une « bulle verte », une oasis au milieu d’un mauvais herbage, dans cette vallée (classée Natura 2000) qui n’avait « pas été cultivée depuis le néolithique ». Et surtout, ils entament une « course à la matière organique » en créant du sol sur cette terre ingrate « d’une quinzaine de centimètres seulement ». Un placement en or, car « il vaut mieux un bon sol qu’un gros compte en banque ».


Leurs résultats sont spectaculaires, ils créent un véritable mouvement, ont pour clients le tout CAC 40 et de grands chefs, leur livre (« Permaculture, guérir la terre, nourrir les hommes ») se vend comme des petits pains... Et ils sont même adoubés par le pourtant orthodoxe Institut national de la recherche agronomique (INRA) !

« Une partie du monde agricole ne croit pourtant toujours pas à nos résultats. On se fait insulter sur les réseaux sociaux. Vous pensez, des Parisiens sans tracteurs, ce n’est pas sérieux ! Pourtant on réalise un chiffre d’affaires de 32 000 euros sur un dixième d’hectares, quand les autres font ça sur un hectare ! Ça va jusqu’à 55 euros du mètre carré en maraîchage, et jusqu’à 300 euros sous serre ! Cette productivité impensable, c’est parce qu’on pense et agit différemment. »

Et c’est bien ce que viennent chercher les formés ici. « Partout on constate partout un retour à la terre. Bon nombre de nos enfants redeviendront paysans. Il y a 3 % d’agriculteurs en France, quand il en faudrait 10 ou 15 % ! » affirme Didier, un bulbicultureur du Maine-et-Loire. Il y a aussi des maraîchers bios de l’Essonne et quelques personnes qui ont pour projet de faire une ferme, mais la plupart se contentent de leur jardin, comme cette cadre de chez Auchan. « Je suis le grand méchant loup ! », plaisante-t-elle dans cette bergerie.

Il y a enfin le quasi-voisin Eugène, 78 ans, agriculteur conventionnel repentant. Pour lui, c’est désormais « la sagesse de la permaculture, approche subtile qui laisse de la liberté et la place au ressenti, à l’intuition... » Biberonné pendant des années aux intrants, pesticides et subventions, le fermier a décroché : « J’ai été malade, avant de me rendre compte que j’avais tout faux dans ma tête. La santé, c’est un vrai cadeau... N’empruntez pas une technique si vous n’êtes pas prêts. Il faut changer de pensée avant de mettre un pied dans le jardin ».

Source : Paris Normandie - 03/12/16




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